Comment se libérer d’un système familial « fou » ?

psychose

Dans son livre intitulé « La folie cachée- Survivre auprès d’une personne invivable », le psychanalyste Saverio Tomasella nous explique, de façon accessible, comment un système parental dysfonctionnel peut affecter toute notre vie.

Ce que l’auteur appelle « folie cachée » représente en fait toutes ces personnes qui vous enferment dans leur univers « dérangé », mais qui paraissent normales aux yeux de tous, à l’extérieur du huit clos familial. Lorsqu’on est élevé par de tels parents, comment se construire ? Comment retrouver confiance en soi alors qu’on a été « détruit » à l’intérieur, parfois de façon totalement insidieuse ? Et enfin, comment la sophro-analyse peut aider dans cette reconstruction de l’adulte, en partant de celle de notre enfant intérieur ?

Comment sait-on que l’on a vécu dans un tel système « anormal » ?

Disons simplement que lorsque l’on est enfant, nos parents devraient « normalement » nous témoigner de l’amour inconditionnel, nous protéger, nous encourager pour un développement harmonieux, nous donner un cadre éducatif sain, ferme et rassurant, et aussi, se comporter eux-mêmes en adultes responsables. Tout parent qui ne rentre pas dans cette description ne joue pas un rôle parental « normal » et équilibrant pour la vie psychique future de son enfant. Mais certains parents vont au-delà de simples déficiences de leur rôle parental, dont ils peuvent avoir plus ou moins conscience et qu’ils essayent de corriger. Ceux là pourraient simplement être considérés comme des parents inexpérimentés, qui apprennent leur difficile métier, mais avec le cœur toujours aimant et bienveillant. Non, le système dont il s’agit dans ce livre aboutit à saboter littéralement la confiance de leur enfant, en projetant sur eux leurs profondes blessures non résolues. Un exemple fréquent concerne les parents alcooliques déresponsabilisés que les enfants finissent par prendre en charge, ou encore, les parents totalement égocentrés, tellement préoccupés par eux mêmes qu’ils en deviennent incapables de s’occuper de leur enfant.

De façon plus visible, les parents objectivement maltraitants, physiquement ou moralement, entrent dans cette catégorie des systèmes dysfonctionnels. L’enfant qui ne peut trouver protection, réconfort, amour, bienveillance, de la part des adultes, se construira dans la peur, dans l’insécurité permanente, dans le désamour de lui-même, et aura du mal à s’épanouir à l’âge adulte.
Mon sujet ici ne sera pas de passer en revue toutes les formes de maltraitance. Si les maltraitances physiques sont les plus évidentes à reconnaître, il ne faut pas oublier le côté profondément destructeur de la maltraitance morale, la maltraitance indirecte par défaut de toute bienveillance adulte, celle-ci étant beaucoup plus discrète vis-à-vis de l’extérieur, et donc plus difficile à identifier. Pour des descriptions de ce type de maltraitance, je vous ramène à la lecture du livre de cet article.

Mes lectures, puis l’accompagnement de mes clients, m’ont donné les pistes suivantes pour aider à se reconstruire.

Identifier et nommer le système familial comme psychotique, « fou», même si la folie est bien cachée

La maltraitance induit des pertes de repères chez l’enfant, et ainsi malgré l’évidence de la maltraitance, n’ayant jamais connu d’autre réalité, il peut s’imaginer que ce qu’il vit est normal, que ses parents sont doux et affectueux, en dehors de leurs crises de violence. L’enfant reste la plupart du temps dans l’amour de ses parents, et pour survivre, il va commencer par incorporer leur système, puis, souvent, commencer sa vie d’adulte en le reproduisant plus ou moins. Certains se contenteront de la reproduction, un enfant maltraité devient un adulte maltraitant. Hélas, les problématiques non résolues par les parents vont ressurgir aux générations suivantes, qui auront bien plus de difficultés à les résoudre car venant des générations précédentes.

Le sophro-analyste n’est habilité à recevoir que les personnes qui ont déjà pris du recul par eux-mêmes, qui ont pris conscience du problème et ont eu la force de ne pas reproduire les effets néfastes du modèle parental. Mais, souvent, ils restent encore sous l’influence négative de ce système, et ont du mal à se développer. Là est le rôle de notre accompagnement.

Ce système a souvent une victime sensible, lucide, qui prend tout et est exclu

« Chaque fois, dans les familles où la tension est telle qu’elles semblent en permanence au bord de la rupture, c’est l’enfant le plus intelligent et le plus sensible qui sert de « soupape » ou de fusible au système ». Il m’est plusieurs fois arrivé de recevoir en consultation des personnes ayant une conscience claire du fait qu’ils ont une « mission » par rapport à leur famille. Souvent cette mission consiste à résoudre la problématique familiale. Le travail de sophro-analyse aura alors toute sa pertinence, en allant rechercher, au niveau transgénérationel, les schémas et comportements reproduits (appelés cryptes en psychanalyse). Les libérations sont alors très belles, car non seulement nous libérons le consultant, mais également ses descendants, qui n’auront plus à porter le problème mis à jour.
Ces personnes sensibles auront auparavant souvent eu une vie familiale vraiment difficile, car « la règle implacable des familles dérangées est le bannissement des témoins gênants, considérés comme trop dangereux parce que trop curieux ou trop lucides ». Le sujet sensible aura souvent été rejeté, les autres membres de la famille faisant corps pour s’opposer à la lucidité, éviter de voir la réalité gênante en face. Même en cours de thérapie, il reste difficile d’accepter que le rejet a déjà eu lieu, et de prendre le risque de s’isoler encore plus en terminant l’élucidation des raisons de la déficience familiale, au risque, parfois, de découvrir des secrets de famille bien gardés.

Prendre conscience de la façon dont on reproduit, dans notre vie, cet environnement, et identifier que cette lutte intérieure mène à l’épuisement puis, sur le long terme, à la dépression

Les personnes qui ont lucidement tenté d’éviter la reproduction du schéma familial arrivent souvent en consultation littéralement épuisées par cette lutte profonde entre leur lucidité et le refus de la réalité de leur famille. Par amour et par fidélité, elles restent comme prisonnières du système. Il est difficile de rester dans la prescience des problèmes, ceux-ci étant simplement perçus, mais non élucidés, ou non réglés. Cela provoque des états de lassitude profonde, de grande fatigue chronique, de déprime, voire des idées suicidaires lorsqu’elles ne se sentent ni écoutées, ni respectées, ni comprises, et ne trouvent pas, dans leur vie, le soutien familial dont elles auraient tant besoin.

Renoncer à son désir de reconnaissance et de justice par sa famille (être reconnu) ou à faire prendre conscience de la folie ou de la maladie

Une étape importante de la guérison consistera à une prise de conscience claire que l’on ne peut changer la réalité de ses parents, de son enfance passée. Par contre il nous appartient de l’observer, de décrire la situation de façon objective, avant de prendre de la distance. En sophro-analyse, nous pourrons travailler à la fois sur les plans psychiques de l’adulte, de l’enfant intérieur blessé, et du rôle de parent intérieur. Le parent intérieur, guidé par un adulte conscient et éclairé, prendra lui même soin de son enfant intérieur, en endossant le rôle momentané de « parent » bienveillant, qui explique la situation, rassure, et permet à son enfant intérieur de se dissocier du problème familial.

Renoncer à se croire malade à la place de l’autre

Bien des personnes qui ont dû supporter la pathologie cachée d’un proche vont souffrir d’anxiété, d’insomnie, et sombrer dans une dépression. Mais parfois ils se croient eux-mêmes malades, voire fous. Il leur et impossible de décrire leur souffrance psychique parce que la situation n’est pas claire, est difficile à reconnaître, à nommer. Ce n’est qu’une fois qu’une personne qualifiée l’aide à prendre conscience et à identifier ses souffrances, elles aussi tenues cachées et réprimées, que le client peut renoncer à se croire lui même malade.

Renoncer au masochisme de vie (se faire du mal, se complaire dans des situations où on est malheureux) dont fait partie l’entretien du doute, du fond mélancolique ou dépressif

Reproduisant l’environnement parental défaillant, il n’est pas rare que l’enfant de psychotique s’entoure de partenaires ou d’amis eux-mêmes peu équilibrés et équilibrants. Il est pourtant nécessaire de renoncer à s’infliger de rester au contact des personnes perturbées, même s’il est difficile de changer un système bien connu pour risquer l’inconnu d’un système exempt de souffrances quotidiennes. En effet, la lutte contre ces souffrances ont finalement donné un certain sens à la force de vie, et ce, dès le plus jeune âge. C’est alors toute la construction psychique qui s’est organisée autour de la souffrance intérieure. S’empêcher de rester dans des situations qui reproduisent la souffrance est une étape difficile, à réaliser en pleine conscience, au quotidien, et amène la personne à un changement radical d’habitudes. Le thérapeute a un rôle de soutien important lors de cette phase de reconstruction.

Ultime étape, cesser de se considérer comme une victime et comprendre le sens de ce parcours de l’âme

On peut s’arrêter à l’étape précédente, en se sentant libéré, distancié et auto-protégé par rapport au système défaillant. Mais après ce parcours de mieux être, il y a un risque de se considérer comme une victime. Au sens de l’âme, il n’y a ni victime ni persécuteur, simplement des expériences, qui permettent de réaliser des apprentissages de vie. 

La sophro-analyse est une méthode d’ouverture de conscience, mais aussi d’ouverture de cœur. Celle ci nous permet de ne pas oublier que le parent qui est apparu maltraitant, ne l’a pas fait de façon consciente et éclairée. La plupart du temps ce parent a lui même été élevé dans un système familial dysfonctionnel, où il n’aura pas non plus reçu tout l’amour dont il aurait eu besoin pour se construire avec confiance. Nous veillerons au cours de cet accompagnement à retrouver l’histoire familiale, en comprendre les schémas répétitifs maltraitants. Cette démarche nous permet alors de ressentir de la compassion pour ce parent, tout en prenant cette distance nécessaire pour se protéger.

Au final, se sortir de la reproduction d’un système parental profondément maltraitant ou dysfonctionnel est un long parcours, semé d’embûches, de retours en arrière. Mais le travail en vaut la chandelle. La sophro-analyse pourra être une des étapes sur ce parcours d’amour de soi. Ce type de thérapie mettra également l’accent sur le sens global d’avoir vécu cette expérience de vie, et permettra au consultant d’éclairer les ressources qu’il a mises en place dans son système de survie et d’autoprotection, souvent mêlés de courage, de force intérieure, de qualités humaines, d’attention à l’autre, de tolérance, de non jugement. Difficiles leçons acquises sur le parcours d’une âme ! A l’issue du travail, ces ressources, mises en place mais jusque là seulement à moitié déployées, pourront s’exprimer pleinement. Le parcours de la maltraitance est une empreinte fortement spirituelle, qui mène au dépassement de ses limites et à une grande ouverture de cœur et de conscience.

Vous vous reconnaissez dans ce type de blessure et vous souhaiteriez en discuter avec moi ?

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